L’Amour en poèmes
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Mignonne, allons voir si la rose
PIERRE DE RONSARD
A CassandreMignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avoit desclose
Sa robe de pourpre au Soleil,
A point perdu ceste vesprée
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vostre pareil.Las ! voyez comme en peu d’espace,
Mignonne, elle a dessus la place
Las ! las ses beautez laissé cheoir !
Ô vrayment marastre Nature,
Puis qu’une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !Donc, si vous me croyez, mignonne,
Tandis que vostre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez vostre jeunesse :
Comme à ceste fleur la vieillesse
Fera ternir vostre beauté.♥♥♥♥♥♥♥♥♥♥♥♥♥♥♥♥♥♥♥♥♥♥♥♥♥♥♥♥♥♥
L’AUTRE JOUR
PIERRE DE RONSARD
L’autre que j’étais sur le haut d’un degré,Passant tu m’avisas, et me tournant la vue,
Tu m’éblouis les yeux, tant j’avais l’âme émue
De me voir en sursaut de tes yeux rencontré.
Ton regard dans le cœur, dans le sang m’est entré
Comme un éclat de foudre alors qu’il fend la nue.
J’eus de froid et de chaud la fièvre continue,
D’un si poignant regard mortellement outré.
Lors si ta belle main passant ne m’eût fait signe ;
Main blanche% qui se vante être fille d’un cygne,
Je fusse mort, Hélène, au rayon de tes yeux.
Mais ton signe retint l’âme presque ravie,
Ton œil se contenta d’être victorieux,
Ta main se réjouit de me donner la vie.
(Les Amours)
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CES LIENS D’OR
PIERRE DE RONSARDCes liens d’or, cette bouche vermeille,
Pleine de lis, de roses et d’œillets,
Et ces sourcils deux croissants nouvelets,
Et cette joue à l’Aurore pareille ;
Ces mains, ce col, ce front et cette oreille,
Et de ce sein les boutons verdelets,
Et de ces yeux les astres jumelets,
Qui font trembler les âmes de merveille,
Firent nicher Amour dedans mon sein,
Qui gros de germe avait le ventre plein
D’œufs non formés qu’en notre sang il couve.
Comment vivrais-je autrement qu’en langueur,
Quand une engeance immortelle je trouve.
D’amours éclos et couvés en mon cœur ?
(Les Amours)
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ÉLÉGIE
MARCELINE DESBORDES-VALMOREJ’étais à toi peut être avant de t’avoir vu.
Ma vie, en se formant, fut promise à la tienne ;
Ton nom m’en avertit par un trouble imprévu ;
Ton âme s’y cachait pour éveiller la mienne.
Je l’entendis un jour et je perdis la voix ;
Je l’écoutai longtemps, j’oubliai de répondre ;
Mon être avec le tien venait de se confondre ;
Je crus qu’on m’appelait pour la première fois.
Savais-tu ce prodige ? Eh bien ! sans te connaître,
J’ai deviné par lui mon amant et mon maître,
Et je le reconnus dans tes premiers accents,
Quand tu vins éclairer mes beaux jours languissants,
Ta voix me fit pâlir, et mes yeux se baissèrent.
Dans un regard muet nos âmes s’embrassèrent ;
Au fond de ce regard ton nom se révéla,
Et sans le demander j’avais dit : « Le voilà ! »
Dès lors il ressaisit mon oreille étonnée ;
Elle y devint soumise, elle y fut enchaînée.
J’exprimais par lui seul mes plus doux sentiments ;
Je l’unissais au mien pour signer mes serments.
Je le lisais partout, ce nom rempli de charmes,
Et je versais des larmes.
D’un éloge enchanteur toujours environné,
A mes yeux éblouis il s’offrait couronné.
Je l’écrivais… bientôt je n’osai plus l’écrire,
Et mon timide amour le changeait en sourire.
Il me cherchait la nuit, il berçait mon sommeil,
Il résonnait encore autour de mon réveil ;
Il errait dans mon souffle, et, lorsque je soupire,
C’est lui qui me caresse et que mon cœur respire.
Nom chéri ! nom charmant ! oracle de mon sort !
Hélas ! que tu me plais, que ta grâce me touche !
Tu m’annonças la vie, et, mêlé dans la mort,
Comme un dernier baiser tu fermeras ma bouche.
(Poésies de 1830)
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PUISQUE J’AI MIS MA LÈVRE…
VICTOR HUGO
Puisque j’ai mis ma lèvre à ta coupe encore pleine ;Puisque j’ai dans tes mains posé mon front pâli ;
Puisque j’ai respiré parfois la douce haleine
De ton âme, parfum dans l’ombre enseveli ;
Puisqu’il me fut donné de t’entendre me dire
Les mots où se répand le coeur mystérieux ;
Puisque j’ai vu pleurer, puisque j’ai vu sourire
Ta bouche sur ma bouche et tes yeux sur mes yeux.
Puisque j’ai vu briller sur ma tête ravie
Un rayon de ton astre, hélas ! voilé toujours ;
Puisque j’ai vu tomber dans l’onde de ma vie
Une feuille de rose arrachée à tes jours.
Je puis maintenant dire aux rapides années :
– Passez ! passez toujours ! je n’ai plus à vieillir !
– Allez-vous-en avec vos fleurs toutes fanées ;
– J’ai dans l’âme une fleur que nul ne peut cueillir !
Votre aile en le heurtant ne fera rien répandre
Du vase où je m’abreuve et que j’ai bien rempli.
Mon âme a plus de feu que vous avez de cendre !
Mon cœur a plus d’amour que vous n’avez d’oubli !
(Les chants du crépuscule)
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A UNE ROBE ROSE
THÉOPHILE GAUTIER
Que tu me plais dans cette robeQui te déshabille si bien,
Faisant jaillir ta gorge en globe,
Montrant tout nu ton bras païen !
Frêle comme une aile d’abeille,
Frais comme un cœur de rose-thé,
Son tissu, caresse vermeille,
Voltige autour de ta beauté.
De l’épiderme sur la soie
Glissent des frissons argentés,
Et l’étoffe à la chair renvoie
Ses éclairs roses reflétés.
D’où te vient cette robe étrange
Qui semble faite de ta chair,
Trame vivante qui mélange
Avec ta peau son rose clair ?
Est-ce la rougeur de l’aurore,
A la coquille de Vénus,
Au bouton de sein près d’éclore,
Que sont pris ces tons inconnus ?
Ou bien l’étoffe est-elle teinte
Dans les roses de ta pudeur ?
Non ; vingt fois modelée et peinte,
Ta forme connaît sa splendeur.
Jetant le voile qui te pèse,
Réalité que l’art rêva,
Comme la princesse Borghèse
Tu poserais pour Canova.
Et ces plis roses sont les lèvres
De mes désirs inapaisés,
Mettant au corps dont tu les sèvres
Une tunique de baisers.
(Émaux et Camées)
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LE DERNIER RENDEZ-VOUS
ROSEMONDE GÉRARDLorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs,
Au moi de mai dans le jardin qui s’ensoleille,
Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants…
Et comme chaque jour je t’aime davantage
Aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain –
Qu’importeront alors les rides du visage,Si les mêmes rosiers parfument le chemin …
C’est vrai nous serons vieux, très vieux, faiblis par l’âge,
Mais plus fort chaque jour je serrerai ta main,
Car vois-tu, chaque jour je t’aime davantage ;
Aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain !
Nous nous regarderons, assis sous notre treille,
Avec des yeux remplis des pleurs de nos vingt ans…
Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs !
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suite à ces jolies poésies, je citerais cet extrait du talmud de Babylone qui porte à méditer sur la portée des mots et des écrits… et dit ceci :
“Si tu es scribe, sois méticuleux dans ton travail, car ton emploi est un emploi céleste ; si d’aventure tu omettais ou rajoutais une seule lettre,
tu détruirais la totalité de l’univers ”